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Éloge du travail des enfants en 9 points

Aurélie FRESEL - Le Temps Des Séquoias

Malgré La Convention internationale des droits de l’enfant , je suis au regret de vous annoncer que les enfants travaillent toujours autant et même, dès leur plus jeune âge. Je vous explique ici, en quelques points clés, pourquoi je soutiens – avec ferveur – le travail des enfants.

1. Fonctionnement du cerveau des enfants

Nous, humains, sommes des bêtes du travail. Dès que nous naissons, notre cerveau ne demande qu’à se développer, à se confronter à la difficile tâche de multiplier ses connexions neuronales et à apprendre toujours plus. C’est bien pour ça que nous avons besoin de faire des pauses de temps en temps, via la méditation ou la relaxation. Sinon, notre cerveau serait prêt à travailler à 100 %, 24h sur 24.

Quand je dis que nous sommes obligés de faire des pauses relaxation de temps en temps, je ne suis pas vraiment juste envers notre cerveau. En vrai, si nous l’utilisions comme il faut, nous n’aurions pas besoin de faire des pauses

Un petit enfant n’a pas besoin de faire des pauses relaxation ou méditation. Un petit enfant fait des pauses quand il en a envie. Et comme il/elle est à l’écoute de ces moments, il/elle n’a pas besoin de programmer un temps spécifique dans sa journée dédiée au repos, au retour sur soi et à la baisse de pression.

Grâce à nos exemples et incitations, les enfants perdent petit à petit cette capacité à travailler dur tout en respectant leurs rythmes et besoins les plus élémentaires.

2. Le travail des enfants, c’est sérieux !

Observer un enfant, c’est voir la forte charge de concentration, d’imagination, de persévération et d’endurance que nous sommes tous capables d’atteindre.

Un enfant peut rester très longtemps sur le même empilage de cubes – pour peu qu’il tombe régulièrement, l’observation du même objet – un peu complexe, ou répéter les mêmes gestes et attitudes – exemple: grimper à l’échelle, glisser du toboggan, courir à l’échelle et recommencer…

Normalement, à ce stade, une bonne partie d’entre vous me répond avec indulgence, « Oh, mais ce n’est pas du travail, c’est du jeu. »

Ah bon… Essayer de comprendre le principe de gravité et apprendre les coordinations musculaires nécessaires à l’ajustement du geste, ce n’est pas du travail ? Ça ne demande pas de concentration ? Cela ne demande pas de l’énergie et de la volonté ? Se confronter à la non-réussite est différent quand nous sommes bébé que quand nous sommes plus grands ? Bon, ok, pour la dernière question c’est vrai… j’y reviendrais.

C’est parcequ’ils/elles se dépensent tellement, intellectuellement et physiquement, qu’ils/elles ont besoin de siestes. Rien à voir avec le fait qu’ils/elles soient « petit(e)s » ; non, la vraie raison c’est qu’ils/elle bossent dur…

3. Pourquoi le travail d’un enfant est-il plus rentable que celui d’un adulte ?

Un adulte travaille pour gagner de l’argent puis dans le meilleur des cas, parce qu’il/elle apprécie ce qu’il/elle fait.

Un enfant travaille parce que ça l’intéresse, parce qu’il/elle en tire un plaisir intellectuel et/ou physique, parce que, à ce moment-là, rien d’autre n’a d’importance ; un enfant qui travaille est un enfant qui se donne corps et âme à ce qu’il/elle fait. C’est en cela qu’en moyenne, le travail des enfants est bien plus rentable que celui d’un adulte.

Sophie Marinopoulos explique sont point de vue dans les vidéos «  Quelle est la fonction de l’imaginaire dans le développement de l’enfant? » et «  Jouer: apprendre de ses erreurs ».

4. Pourquoi il est important de laisser un enfant finir son travail ?

Un enfant au travail est un enfant qui cherche à comprendre le monde. Tout son être est tendu vers cet objectif. Si son travail est interrompu – par l’obligation de faire une autre tâche décidée par quelqu’un d’autre – il est empêché d’aller au bout de l’expérience :

– Sa soif de connaissances et de compréhension s’en trouve frustrée.

– Son cerveau à s’habitue à ne pas finir les tâches qu’il commence.

– Toute l’énergie mobilisée pour mener sa tâche à bien se retrouve coincée, car pas forcément utile ou utilisable, pour la nouvelle tâche que l’enfant se trouve parfois contraint(e) de tenter.

– L’enfant apprend la frustration du corps et de l’esprit… C’est-à-dire l’art de faire la sourde oreille à ses propres besoins, parce qu’un autre plus fort, plus sage – normalement – et dont il/elle est totalement dépendant, le demande.

Cependant, il est tout à fait possible et même joyeux, de travailler, avec son enfant. Vous pouvez travailler aux mêmes activités que lui/elle , si cela est accepté ou lui proposer quelque chose de votre propre cru. Dans tous les cas, il s’agit d’une proposition, qui peut être acceptée ou refusée, en toute simplicité.

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Les vidéos d’Isabelle Filliozat, « émotions et crises de rage à la lumière des neurosciences » et « Grandir sans écran » peuvent vous donner des éclairages supplémentaires.

5. Qu’apprend un enfant qui travaille au rythme des autres ?

Un petit enfant est débordant d’imagination. Pour lui/elle, tout est à découvrir et donc tout, en un sens, est possible. C’est l’expérience de longues années de travail heureuses et productives – et le contact avec la société dans laquelle il/elle évolue – qui vont lui permettre de tracer les contours du possible et de l’impossible – pour l’instant.

Demander à un enfant d’aller au rythme d’apprentissage choisi par d’autres, de découvrir le monde de manière stéréotypée et selon une recette préétablie, revient à atrophier les parties de son cerveau responsable du bien-vivre avec le monde. Ces zones qui s’occupent notamment de :

– l’adaptation

– l’écoute

– la logique

– l’empathie

– la curiosité

– l’exploration

– la persévération

– l’attention

– la concentration

-l’apprentissage joyeux…

6. Qu’apprend un enfant qui travaille suivant un programme choisi part d’autre que lui-même ?

Demander à un enfant de travailler à quelque chose qui ne l’intéresse pas est la même chose que si quelqu’un vous imposait un travail qui ne vous convient pas. Les essais et erreurs ne sont plus vécus comme des moments d’apprentissage, mais comme un délai avant la possibilité de s’extraire de la tâche pour faire un travail vraiment intéressant. Cela augmente la frustration et permet l’apparition de la notion d’échec et de sa copine « dévalorisation ». D’autant que, la demande venant de quelqu’un d’autre, il y a probablement une attente de réussite de sa part. L’enfant ne donnant pas, ou ayant l’impression de ne pas donner, satisfaction aux autres– ce qui revient au même – se sent mauvais et pas à la hauteur. L’enfant s’éloigne un peu plus de ses propres ressentis et de sa capacité à savoir ce qui est bon pour lui/elle.

7. Compliments et Remontrances…

Il est intéressant de noter la nuance entre ces deux phrases :

« – Bravo, tu as réussi, je suis fière de toi ! »

« – Tu as réussi, bravo d’avoir cherché la solution aussi longtemps ! »

Les deux phrases expriment le plaisir de l’adulte à voir l’enfant réussir quelque chose ; dans la première version, l’adulte valorise le résultat, dans la seconde, la personne met l’accent sur le chemin parcourut et sur ce que ce l’enfant à appris sur le chemin.

De la même manière :

«- Je t’ai déjà dit de ne pas taper, c’est méchant de taper! »

« Je vois bien que quelque chose ne va pas, que tu voulais ce jouet, et pourtant, il n’est pas autorisé de taper. »

Dans le premier cas, c’est l’enfant tout entier qui est critiqué, il/elle apprend ici la honte et la dévalorisation. Dans le second , l’adulte met en lumière les affects potentiels de l’enfant, pour qu’il/elle comprenne ses émotions, tout en apprenant que ses actions ont des conséquences sur ce(ux) qui l’entour. C’est également l’occasion de lui enseigner les règles de la société dans laquelle il/elle grandit.

Retrouver une conférence de Marshall Rosenberg « Éduquer sans récompense ni punition CNV » pile sur le thème abordé.

Aurélie FRESEL - Le Temps Des Séquoias

8. Pourquoi le numérique diminue-t-il la capacité de travail des enfants ?

Les écrans ont la capacité, quasi magique, de calmer un enfant, de le rendre posé et silencieux. Et pourtant, la grande majorité des professionnels de la petite enfance vous assureront qu’il faut éviter un maximum la proximité des enfants et des écrans. Pourquoi ?

Les écrans stimulent les zones du cerveau de responsable de la détente et de l’addiction. Lorsque l’enfant est calme et posé devant les écrans, il est en réalité en plein shoot numérique. La difficulté, en plus d’habituer le cerveau d’un enfant si jeune à baigner dans les opioïdes en dehors de toutes relations humaines, est que lorsque la source de ce plaisir disparaît, c’est-à-dire lorsque l’écran est éteint ou n’est plus à disposition, l’enfant se retrouve en manque.

Imaginez-vous une personne accro à la cocaïne. Imaginez-vous sa capacité de travail, la qualité de sa vie en relation et ce qu’il/elle est prêt(e) à faire pour avoir sa dose. Imaginez-vous son intégration sociale et son apport au monde. Retranscrivez ça à l’enfant élevé aux écrans, et vous comprendrez pourquoi le numérique diminue les capacités de travail des enfants.

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Retrouver les vidéos explicatives des Docteur Ducanda et Dr Terrasse « Les écrans : un danger pour les enfants de 0 à 4 ans » et « Dr Anne-Lise Ducanda Interview« .

9. Éloge du travail des enfants !

Pour clore cet article, je voudrais vous inviter à le reprendre en remplaçant tous les mots « travail » par le mot « jeu ». Dans notre représentation du monde, le travail est forcément laborieux, il doit s’agir d’atteindre un objectif, d’être rentable, potentiellement meilleur que les autres, pour faire la différence, se démarquer, être apprécié et reconnu.

Mais dans le monde des enfants, d’autant plus des petits enfants, le travail est joyeux, aventureux et terriblement excitant. Le travail, c’est partir à la découverte de nouvelles choses tous les jours, c’est maîtriser, un nouveau geste, un nouveau mot, comprendre de nouvelles choses et être pleinement maître de sa vie. À cet âge, le monde ne se définit que par rapport à son corps propre. Le monde, c’est « Moi ».

Grandir c’est accepter de se décentrer – au terme de longues heures de travail – découvrir que « mon monde côtoie d’autres mondes, qui fonctionnent différemment, tout aussi valables et fascinants ». Le risque est de partir à la découverte des autres mondes en perdant de vue le sien propre.

Peut-être que le travail de notre vie est de retrouver cette notion de labeur heureux ? Peut-être que le travail de tout adulte est d’aider les enfants à conserver leur propre joie à travailler.

J’adorerai connaître votre point de vue sur cette notion de travail, laissez un commentaire !

Aurélie

Le site de Celine Alvarez « Les lois naturelles de l’enfant » pourrait vous intéresser !

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